Rencontre avec deux autrices libres: cestdoncvrai

6812988091_0696e481d7_z

Aujourd’hui, je ne vous présente pas un auteur, mais plutôt deux autrices que j’ai eu la chance de rencontrer il y a quelques mois! L’interview est donc un peu plus conséquente, mais les réponses sont très intéressantes!

Peux-tu te présenter en quelques lignes ?

Tat’ : Nous sommes deux derrières le pseudo Cestdoncvrai 🙂 Alors je vais commencer par me présenter puis laisser la main à Cloé ! J’habite du côté de Bordeaux, mais je déménage très prochainement pour La Roche-sur-Yon. Avant ça, j’étais sur Pontoise (au Nord Ouest de Paris) et à l’origine, je viens de Lille. Oui, je vous fais toute ma bio 😉 Je suis indépendante et je développe des applications, je fais de l’objet connecté… Ces derniers temps, je donne pas mal de formations 🙂 J’écris depuis le collège. Les aléas de la vie, la fin de l’adolescence et le début de la vie adulte me l’avait presque fait oublié, mais c’est revenu, il y a trois ans, grâce à Cloé ^^

Cloé : Bon bha niveau géolocalisation, là même que Tat’, comme ça c’est rapide ! Sinon niveau ce que je fais dans ma vie. Pleins de choses, mais en ce moment ça tourne quand même beaucoup autour de l’écriture et/ou du code. Du code, car j’ai une formation de développeuse web et que ce qui m’intéresse dans ces métiers c’est l’idée de ne jamais se fixer sur une seule technologie. Ça veut dire apprendre sans arrêt de nouveaux trucs, ne jamais faire la même chose… Sinon, je dessine un peu et j’ai fait du théâtre.

Maintenant que nous vous connaissons un peu mieux, pourriez-vous présenter vos écrits ?

La majorité de nos écrits sont des histoires rédigés à quatre mains. Nous décrivons tout un univers à travers le cycle de la Fédération des Enchanteurs.

Les intrigues se déroulent dans un monde post-apocalyptique où cohabitent sorciers, humains, vampires, presque organiques, et autres êtres doués de conscience. La Fédération est un organe politique fédéral (sans dec’) qui tente d’unir les sorciers du vieux continent sous une même patrie. Pour l’instant, trois livres se déroulent dans cet univers.

L’aventure de Melody, huit ans, deux vampires et l’apocalypse se passe aux tout premiers balbutiements de la Fédération (car en réalité, l’histoire ne l’évoque presque pas). C’est une nouvelle, un conte qui se lit vite.

Bienvenue au Mordret’s Pub prends place près de deux cent cinquante ans après Melody. Il a la forme d’un roman initiatique, on y suit une jeune héroïne qui va (avec le lecteur, c’est le principe du roman initiatique) s’aventurer dans son monde et le découvrir plus noir qu’elle l’imaginait : ancré dans une tradition de corruption politique, mené par des idéologies dangereuses et des personnages peu scrupuleux.

Les Résistants est notre livre principal, premier tome d’un diptyque (le tome 2 est en cours d’écriture). Il retrace un moment clé de l’Histoire de la Fédération par le biais des points de vue de plusieurs personnages aux opinions très divergentes. C’est un livre un peu moins accessible que les deux autres (déjà il est long. Très long pour un format numérique.) Le titre est une question ouverte à laquelle on essaye d’apporter des éléments de réponses par le biais de la fiction : Qu’est-ce que la résistance politique ?

À côté de cela, Cloé a écrit deux très courtes nouvelles (-10 000 de signes chacune) dans le cadre des Joutes Wattpadiennes. Elles sont toutes les deux indépendantes et n’entrent absolument pas dans l’univers de la Fédération des Enchanteurs.

La première “L’enva-hisseur” nous fait vivre une invasion extra-terrestre du point de vue d’un ballon de place. La seconde “Non viable” se déroule dans une dystopie pas si futuriste que ça, mais on n’en dira pas plus, car c’est très court. 🙂

Dans tous les cas, on y retrouve assez bien l’une de nos envies communes : faire réfléchir le lecteur.

Quel est ton genre d’écriture de prédilection ?

Tat’ : Troisième personne, au passé, de la Fantasy ou de la SF.

Cloé : Hum. Pour la Fédération, 3e personne, Fantasy, au passé. Mais c’est plus de l’exercice imposé… Comme si ce style était de mise sur ce type de récit. Sinon quand j’écris pour moi, je n’ai pas de genre de prédilection. J’aime juste jouer avec les mots. Bon par contre, je reste toujours dans de la SF.

Pourquoi avez-vous choisi une alternative au droit d’auteur classique et quelle licence utilisez-vous ? J’ai vu à ce propos que vous utilisiez des licences différentes selon les histoires. Pourquoi un tel choix ?

Vastes questions 🙂 Du coup attention au pavé !

Déjà il faut s’interroger sur “pourquoi le droit d’auteur”. Pour nous, le droit d’auteur tel qu’on le connaît aujourd’hui n’a plus de sens. (En a-t-il un jour réellement eu un ? Hum… n’entrons pas dans ce débat !). D’une manière générale les industries culturelles subissent d’énormes mutations, à cause (grâce à ;)) Internet. Aujourd’hui, il faut réinventer la façon dont les œuvres sont diffusées. Publier en libre/libre diffusion, c’est un moyen de s’engager pour ce changement. De prendre parti.

Internet a explosé et s’est démocratisé alors qu’on avait tout juste dix ans. On a grandi avec, et on est complètement imprégnée de sa culture, passionnées par ce qu’il permet en termes de liberté d’expression et de diffusion. Passionnées, pas effrayées, car ce que l’on essaye de comprendre, on en a moins peur ;).

On a, l’une et l’autre, choisit de faire de la programmation notre métier. Partant de là, comment considérer diffuser quelque chose via Internet sans, au moins, en libérer le partage ?

Il faut savoir qu’Internet, sans la libre diffusion, ça ne serait rien. Aujourd’hui, par exemple, les sites et les applications qui composent le web sont pour la plupart basés sur des technologies libres. Mieux encore, les développeurs partagent leurs travaux, car pour les réaliser ils ont conscience qu’ils ont surtout utilisé et réutilisé des petits bouts de plein de programmes réfléchis par d’autres avant eux. Ça fait gagner du temps. Un cerveau tout seul fait moins de choses qu’un cerveau connecté à des millions d’autres 🙂 Bref, en tant que développeuses, ça nous paraît… culturellement (?), impossible de ne pas passer par des licences “libres”. On leur doit trop.

Et puis, en un sens, l’écriture, c’est pareil que le code. C’est pas une blague, en code, on crée, on adapte, on peut aller jusqu’à dire qu’il y a une certaine poésie, une certaine élégance dans un code bien fait. Et la similitude ne s’arrête pas là : on dit souvent que toutes les histoires ont déjà été toutes racontées. Qu’un auteur ne fait finalement que reprendre des concepts, les détourner, les combiner, se les approprier… Et c’est très bien ! Si tout le monde se basait sur l’expérience des générations passées pour évoluer, on vivrait sans doute dans un monde plus serein.

Mais ce constat fait, on peut se poser la question : alors c’est quoi le droit d’auteur, si ce que j’écris, finalement, c’est la somme de toutes ces œuvres qui ont été écrites avant moi ? Cette question est d’ailleurs valable pour à peu près toutes les créations artistiques.

Internet offre la chance de pouvoir diffuser ton travail, ses créations et surtout ses idées à l’international, en quelques clics. Ça n’était encore jamais arrivé, dans toute l’histoire de l’humanité. Pour nous, c’est antinomique de mettre quelque chose en ligne et de le “protéger de la copie et de la diffusion” : si on ne veut pas qu’un texte soit diffusé, on ne le met pas en ligne… puisque le mettre en ligne c’est justement… le diffuser (je ne sais pas si ma perplexité se sent bien là…).

La Fédération Des Enchanteurs (pour en revenir au sujet) est en CC-BY-SA-NC 4.0, c’est-à-dire que n’importe qui peut réutiliser ce que l’on écrit à condition de le diffuser sous la même licence, de nous citer et de ne pas en faire d’usage commercial sans notre autorisation. Ce n’est pas une licence libre, c’est une licence de libre diffusion. Ces textes représentent trop pour nous, en termes d’implication, pour que nous le laissions aux communs. Actuellement, malheureusement, mettre ses textes en libre diffusion, c’est déjà un risque, car la démarche est souvent incomprise, méprisée et respectée. Descendre en dessous de ce degré d’ouverture c’est pour l’instant un risque que nous ne sommes pas prêtes à prendre, par crainte de mauvaise expérience, sur ces textes. Ils représentent trop, on y est trop attachées 🙂 Bref, si quelqu’un veut commercialiser nos écrits, il y aura des conditions ^^, mais n’hésitez pas à demander !

C’est plus simple, je pense, de relâcher dans la nature une œuvre courte qu’une œuvre longue avec laquelle ont vit chaque jour. C’est aussi pour cela que la Fédération n’est « qu’en » libre diffusion.

D’autres écrits sont en CC0, au plus proche possible du domaine public. Ce sont les courtes nouvelles et les textes à caractères plus didactiques (conseils, vulgarisation…). Pour ces deuxièmes, c’est très bête, mais ils ont été écrits dans le but d’aider les autres… Leur objectif même c’est que d’autre que nous s’en emparent, s’en inspirent et les utilisent. Alors bon, le meilleur moyen pour atteindre ce but, c’est quand même de les mettre en totale disposition.

Pour le cas de “Non viable”, c’est un peu la même idée. C’est sans doute un peu prétentieux, mais je pense que le message derrière ce texte est vraiment très important. L’idée que j’y développe n’est pas de moi, et le quotient temps/satisfaction que j’aurais à le voir être diffusé et repris m’est tout à fait acceptable 🙂 Pourquoi se priver ?

Bref, pour conclure, à chaque œuvre, à chaque objectif d’écriture, une licence, et il n’y a pas de règle absolue.

Où peut-on trouver tes histoires hors Wattpad ?

Sur Scribay, sur Atramenta, sur notre site, sur Le Conteur. Un écrit en début de publication sur Tellyon, mais leur licence n’est pas la bonne, on attend qu’ils mettent ça à jour.

Donnes-tu l’opportunité à tes lecteurs de te soutenir (financièrement ou autre) ? Si oui, quels systèmes utilises-tu ?

Financièrement, pour l’instant, seulement sur Flattr… Mais ça risque de changer, on travaille sur le sujet en ce moment !

Sinon, prendre le temps de nous lire, c’est déjà nous soutenir, surtout si la lecture s’accompagne d’un commentaire ou d’une étoile pour simplement signifier : hé ! j’ai lu ! 😉

Hormis l’écriture de fictions, crées-tu d’autres œuvres artistiques sous licence libre ?

Tat’ : Du code 🙂

Cloé : Du code. Je dessine aussi, mais à vrai dire je n’ai jamais réfléchi à la licence -_- j’estime pas mes gribouilles assez abouties pour statuer sur le sujet :s.

Quels sont tes auteurs préférés, qui t’inspirent ?

Tat’ : En ce moment, je lis Damasio (La Zone du Dehors). Je le lis doucement et je crois que j’admire l’auteur tant pour le message, les problématiques abordées et le style. Du coup, je le lis très doucement et ça prend du temps. Ça va forcément m’inspirer. Sinon, hé bien, c’est con, mais j’ai grandi avec Harry Potter de JK Rowling. Mais depuis… Beaucoup, tous, je crois 🙂 Je peux citer Azimov, Hobbs, par exemple. Et Ploum m’a inspiré une grande partie de ma vision du libre. 🙂

Cloé : Herbert, Damasio, Hobbs, Azmiov, Rowling, Clifford D. Simak, Bajavel… oui beaucoup de classique de SF, en fait. Hors SF j’ai adoré Les enfants de la Terre de Auel. Toutes les œuvres de Robert Merle (ce qui nous fait retomber en partie dans la SF… merde…). Michel Folco aussi (Dieu seul et nous le pouvons <3). Plus contemporain il y a Ecric Emanuel Schmit. Paolo Coello, un peu aussi… Ha oui et le truc inavouable : Christian Jacques. Mon père avait une trilogie de lui dans sa bibliothèque, je l’ai lu très jeune, du coup son style d’écriture et ses intrigues mystiques ont le goût du souvenir…

Tat’ : Tout ceux-là aussi, forcément. On a tendance à partager la même biblio. 😉

Que conseillerais-tu à un jeune auteur qui hésite à déposer ses histoires sous licence libre ?

Libre ou libre diffusion ? Dans tous les cas, s’il se pose la question, ça vaut le coup de creuser avec lui. 🙂

Je lui dirais : « Do it ! Just Do it ! »

De manière moins violente, je le redirigerais vers les textes de Ploum, Crouzet, Pouhiou, LeGreg… Je lui montrerai GitHub. Je lui montrerai les chaînes YouTube de Doxa et de Pouhiou, toutes les deux en CC0 si je ne m’abuse.

En fait ça dépend tellement des objectifs de l’auteur que de toute façon, ça nécessite discussion 😉

Voudrais-tu rajouter quelque chose, concernant ton art, ta vision de la culture, qui n’a pas été traité dans les questions précédentes ?

Hum… On a déjà pas mal paveté dans la question : “Pourquoi avez-vous choisi une alternative au droit d’auteur classique et quelle licence utilisez-vous ?” je crois qu’ici, on se répéterait en grande partie. 🙂

Vous pouvez retrouver Cloé et Tat’ sur les réseaux suivants:

 

Ce billet et ce blog vivent grâce à vous. N’hésitez pas à me soutenir, que ce soit avec un Prix Libre, en me soutenant sur Tipeee, et en partageant ce billet autour de vous. Vous pouvez également me suivre sur les réseaux sociaux Twitter, Facebook et Diaspora.