Ça y est le réveil vient de sonner. A peine les yeux ouverts, je ressens une tension dans tout mon être. Mon estomac commence à se crisper. J’aimerais tant rester dans mon lit, mais je n’ai pas le choix. Et il va falloir prendre son courage à deux mains.
On allume le pc, on lance le café pour se traîner vers la douche. Les minutes passent, la contraction de l’estomac se fait de plus en plus en forte. En sortant de la douche, je commence à tousser. Je recours aux toilettes, la crispation est telle que je sens que je vais vomir. J’ai mal, très mal. Je n’ai rien dans le bide, et celui-ci veut expulser quelque chose, comme s’il voulait évacuer cette angoisse qui me comprime l’estomac. Les tentatives de rejet sans rien dans le ventre, c’est vraiment douloureux, ces spasmes sont si violents que j’ai l’impression que mes yeux vont sortir de leurs orbites. Mes bruits de tentatives de rejet sont tellement élevés qu’ils s’entendent dans le palier, à portée d’oreilles de mes voisins. Au bout de quelques minutes, les spasmes se calment, cela semble passer. On va essayer de boire un café.
J’essaie de me changer les idées. Je regarde mes mails, les nouvelles et passe sur mes forums habituels, tout en essayant d’ingurgiter mon café. Mais ma crispation est toujours là, bien présente, me rappelant à chaque instant que le compte à rebours diminue. Je regarde l’heure, il reste une demie heure avant le départ. Ce matin, je ne suis pas resté longtemps à essayer de sortir tripes et boyaux. Je vais tenter de prendre un deuxième café.
Péniblement, j’avale quelques gorgées de ce breuvage bien chaud, lorsque l’horloge se rappelle à moi. Un quart-d’heure avant le départ. Dans une heure, commencera le bal des insultes, de ces éternels insatisfaits, pensant que tout leur est du, au point de ne pas respecter le gars en face d’eux. Cette pensée relance les crampes de mon estomac. Je dois courir, je n’arrive pas à refréner ce liquide amer qui tente de s’échapper de mon corps. Je regarde ce café s’échapper de mon corps. J’ai eu de la chance, j’ai pu arriver à temps. Je ne devrais pas nettoyer le sol comme de nombreuses fois. Je n’ai pas le temps de me remettre du choc. Il faut y aller maintenant.
On arrive juste à temps pour prendre le métro. Je regarde les gens autour de moi, et je me mets à penser. Ils ont tous une tête que jusque par terre, et semblent respirer une joie de vivre si intense. Est-ce que comme moi, ils se sentent prisonniers ? Qu’ils aient abandonné leurs rêves, qu’il n’y ait que ce train train, les empêchant de vivre, éreintés par la tâche, et toutes ces contraintes inutiles, imposées pour mieux nous étouffer ? J’ai abandonné mes désirs, mes rêves pour simplement avoir un toit et pouvoir me nourrir. Je ne suis plus moi-même, je ne suis que la sage petite fourmi qui accomplit ce qu’on lui dit de faire, sans poser de question, de peur de ne plus être accepté dans la fourmilière. J’ai du mal à respirer, heureusement mon arrêt n’est plus très loin, je vais pouvoir avoir un peu d’air, vicié, certes, mais c’est mieux que de rester dans cette boite sous terre.
J’ai quelques minutes de marche. Pour me donner un peu de courage, je branche les écouteurs, et comme chaque matin, inlassablement j’entends ses phrases dans le casque : « You rise, you fall you’re down then you rise again. What don’t kill you make you more strong ». Je ne peux pas continuer comme cela, il faut que cela change. Mais je me sens tellement prisonnier de ce système que je ne vois pas d’échappatoire. Alors, ce sera encore parti pour une journée comme les autres, vide d’intérêt, pleine de tâches répétitives et d’insultes de clients, sans soutien de sa hiérarchie. Heureusement que les copains sont là, c’est le seul intérêt d’être enfermé dans ce temple du consumérisme.
Bref, je suis technicien informatique pour un SAV de grand magasin, mais plus pour longtemps je pense.
(Commencé en 2009-terminé en 2014)
Bien évidemment, depuis que j’ai arrêté de travailler là, je n’ai plus ces nausées et pics de tension au matin. Il m’a fallu un peu de temps au début, c’est vrai. Mais je respire mieux, je suis plus en accord avec moi-même. J’en ai encore eu quelques-unes, pendant des grosses périodes de tension, où j’avais moins le contrôle des événements. J’apprends tout doucement à lâcher prise. Au plus je réfléchis, au plus j’ai la crainte que si je me remets à travailler dans ce type d’entreprise et de système, il ne faudra pas quelques mois pour que ça recommence. Je n’ai pas envie de revivre ça, et je sais où je veux arriver. Et c’est donc ma question, ici: faut-il vraiment continuer à travailler, au point de se bousiller complètement juste parce qu’on nous dit que c’est comme ça? Et si on décidait de réellement changer ce paradigme? On peut le faire, on a tous les outils pour.
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Image de Sasha Lynn sous licence CC BY-NC-ND
Cher Greg, je vais être très terre-à-terre là, pour te dire que la première chose à faire quand on a des problèmes d’estomac comme ceux que tu décrits ici (et qui, oui, sont liés au stress, mais j’en parlerai plus loin) c’est d’ARRÊTER IMPERATIVEMENT DE BOIRE DU CAFE! Parce qu’il ne va qu’aggraver le problème! (et il s’agit d’arrêter de consommer des tas de choses qui sont dites « acidifiantes »… Je te laisse chercher sur le net si tu veux en savoir plus 😉
Ce que tu décris comme symptômes c’est un pré-ulcère (gastrite aiguë) et j’ai connu la même chose à une époque (j’ai même fini à l’hôpital à cause du stress)
Mais ça ne se soigne pas seulement en éliminant la cause externe (le stresseur, qu’il soit professionnel ou autre) ni, bien sûr, à coup de médicaments (calmants, anxiolytiques, anti-dépresseurs… Et anti-acides, bien entendu 😉 à croire qu’ils fabriquent les maladies pour nous faire acheter les médocs qu’ils vendent… bref)
il s’agit aussi de renforcer l’organisme en se nourrissant mieux et plus sainement, et renforcer le mental en entreprenant un travail sur soi (groupe de parole, séminaires, thérapie… mais aussi techniques de relaxation, yoga ou autre) l’exercice physique est aussi fort recommandé
Notre société est malade qui nous force à perdre notre vie pour la gagner… Réinventons-là!
Contente que tu ai pu arrêter ce boulot débilitant, c’est une première étape!
Hello,
Oui, c’est un texte que j’ai commencé en 2009, et à la fin de cette année là, j’ai quitté ce boulot, et j’ai recommencé à zéro. J’ai pris beaucoup de médocs à un moment, et depuis plusieurs années, je n’en prend plus, prenant le plus possible des traitements naturels. Oui, ça bousille l’organisme énormément, en plus de créer des dépendances graves. Et j’ai testé thérapies, hospitalisations,… Ce qui m’a le plus aidé, c’est le travail personnel, sur moi, aidé de deux séances microkinés (c’est d’ailleurs assez hallucinant la première fois). Je sais que j’ai frôlé l’ulcère plusieurs fois à cause de mes crises d’anxiété. Mais merci pour tes conseils, et oui pour terminer, tu décris assez bien ma façon de penser avec ton avant-dernière phrase 😉