Si vous vous rappelez, au mois de janvier, je vous ai proposé cinq synopsis d’histoire. C’était à vous de choisir laquelle j’écrirais en premier. Ce fut le projet « inception » qui fut choisi. Voici la première partie de cette histoire, intitulée: « ceci est mon testament ». Elle est bien sûr également disponible sur Wattpad et sur Scribay. Je ne me suis pas encore arrêté sur le titre définitif de l’histoire, elle n’est pas encore terminée. La prochaine partie sera disponible la semaine prochaine. Avant de vous laisser vaquer à la lecture de cet épisode, je voudrais juste dédicacer cette histoire. Je voulais la dédier à Pouhiou, parce que les idées initiales me sont venues un matin, en lisant les nouvelles. Je m’étais demandé ce que feraient les noénautes s’ils avaient la possibilité de modifier les pensées de personnes aux idées non tolérantes. Je me suis vite mis à imaginer plein de choses sur cette idée de base, développant aussi un peu plus cette fameuse histoire du gars qui voulait changer le monde. Voilà, je pense que j’ai tout dit, bonne lecture!
Première partie: ceci est mon testament.
Je ne sais pas comment j’en suis arrivé là. Mais tout ce que je sais, c’est que je ne vais bientôt plus être de ce monde. Peut-être mort, peut-être capturé pour servir je ne sais quel dessein. Ils sont à mes trousses. Je le sens. Ils sont collés à mes basques, telle une merde que l’on a beau frotter, elle reste toujours accrochée à nos semelles. Encore une fois, je maudis mon don. Ma capacité. Celle que j’ai voulu utiliser pour changer le monde, le rendre meilleur. Parce qu’elle ne m’a attiré que des ennuis.
Je pose ces mots dans ce petit carnet. Peut-être que quelqu’un lira un jour ces lignes. Ou pas. Il faut que le monde sache que tous ces gens avec un don, avec une capacité hors du commun sont enlevés de ce monde. Pourquoi? Servir l’intérêt des nantis? Empêcher de rendre le monde meilleur en se mettant au service des autres? Il faut que le monde sache. Je ne suis pas le salaud tel que les médias ont décrit. Ils ont dit que j’étais l’homme le plus dangereux de cette planète, me mettant sur le dos des crimes que je n’ai pas commis. J’ai tous les services de police, toutes les agences de renseignement au cul. Et pire que tout, ces hommes en noir. Ce sont eux qui me font le plus peur. Car personne ne les connaît, personne ne sait qui ils sont. Et ils semblent intouchables.
Ce sont peut-être les dernières lignes que j’écrirai. Je suis coincé ici, dans cette petite chambre d’un hôtel miteux, dans un autre pays, bien loin de chez moi. Les rideaux sont tirés, impossible de regarder ce qui se passe dans ce 8 mètres carré. Les événements de ces derniers jours m’ont rendu craintif, un semblant de paranoïa s’est emparé de moi. Je me cache, je ne sors plus de peur d’être reconnu. Je suis fatigué de fuir, j’aimerais pouvoir me poser quelque part, respirer. J’aimerais tant revoir Marie, ma femme et mes deux petites têtes blondes. Ils me manquent tant! J’aurais tant aimé que le monde change comme j’ai tenté de le faire. Qu’il devienne meilleur, plus humain. J’aurais tant voulu que les gens se rendent compte que de simples petites pensées peuvent changer radicalement notre vie et le monde qui nous entoure.
Je m’appelle Chris, j’ai trente-huit ans, et ceci est mon testament, mes mémoires, ma vie. Depuis tout petit, j’ai ce don étrange. Je peux lire les pensées des gens. Je peux m’insérer dans l’esprit de n’importe qui et fouiller tous ses souvenirs. Je peux contrôler la moindre de ses pensées, la modifier ou carrément l’effacer, la remplacer par une autre. J’ai eu du mal à contrôler cette capacité au début. Je me rappelle quand cela a commencé. J’avais douze ans. Mes premiers poils poussaient, j’avais les premières hormones qui commençaient à me titiller. Les filles qui commencent à nous attirer plus que de raison. Cela avait commencé en classe, en cours de math. J’entendais les pensées du prof, madame Morue comme on l’appelait. Elle pestait sur nous, nous insultait dans sa petite tête de matheuse qui ne savait pas s’y faire avec les gosses. J’entendais ses insultes clairement, comme si elle les disait à haute voix. Et je lui avais répondu. Je lui avais dit que seule une morue comme elle pouvait nous traiter de crétins ingrats. Résultat, envoyé chez le proviseur, retenue à la clé. J’avais beau jurer sur les toutes les têtes possibles, tous les saints, Dieux ou livres sacrés, personne ne me croyait. Trois heures de colle alors que je disais la vérité. Le savon chez mes parents, après. Privé de sortie pendant un mois. Mais ça ne s’est pas arrêté là.
Les voix ont commencé très vite à empirer. J’entendais toutes les voix des personnes dans un périmètre assez proche de moi. Vous avez vu ce film, avec Mel Gibson? Celui où il entend toutes les réflexions mentales des femmes? C’est exactement ça. Mais en pire. J’entendais tout. Toutes les pensées. J’ai cru que j’allais devenir fou. A l’école, c’était impossible de se concentrer. J’entendais toutes les pensées des élèves. J’arrêtais pas de crier. Et ça alla de mal en pis bien sûr. Ils commencèrent à se moquer de moi et à me traiter de fou. Mes parents ne me croyaient pas bien sûr, disaient que j’avais une imagination fertile. Même lorsque je leur disais la moindre petite pensée qu’ils venaient d’émettre, ils n’arrivaient pas à concevoir que c’était possible.
Il y eut une grande discussion, entre mes vieux et la direction de l’école. Les profs ne me voulaient plus en classe, et je faisais peur aux élèves. La psychologue de l’école m’avait catalogué comme schizophrène et ils décidèrent de m’envoyer dans un asile pour me faire soigner. Ils m’emmenèrent à Erasme, un grand hôpital bruxellois. J’étais enfermé, surveillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre. J’ai cru que j’allais réellement devenir cinglé. Entre les autres jeunes qui ne pensaient qu’à se foutre en l’air, les anorexiques qui refusaient de bouffer et se trouvaient trop gros et les réellement atteints du cagibi, j’étais là, à absorber toutes leurs angoisses qui se greffaient en moi. Leurs pensées s’imprégnaient dans mon esprit, et me firent connaître une véritable descente aux enfers. Je ressentais leur peur, vivais leurs envies suicidaires, entendais les autres personnalités morbides et sadiques. Les psys avaient beau me gaver de médocs en tout genre, de l’haldol et autres trucs dégueulasses qui te bousillent le cerveau, les voix ne se taisaient pas.
Au bout de six mois, la situation n’avait pas changé. Les médecins décidèrent que j’étais incurable. Ils me firent changer d’établissement. Là, j’ai eu un médecin qui me comprit enfin. Je n’étais pas le premier à être passé dans ses mains. Une fille qui avait le même don que moi. Il me dit de garder secret ma capacité, car c’était très dangereux, et pourrait provoquer l’hostilité de mon entourage. Pendant des mois, il m’aida à contrôler ce don, ce pouvoir. A me focaliser sur une personne, ou sur moi-même. En l’espace de six mois, je pouvais me concentrer uniquement sur une personne et fouiller la moindre pensée dans son esprit, même si elle était enfouie au plus profond de son subconscient. Lorsqu’il décida que j’étais apte à sortir, on fit un dernier test. C’est là que j’ai découvert la vérité. Cette fille, qui était passé avant moi, il ne l’avait jamais crue. Lorsqu’il ouvrit les yeux, il était trop tard. La jeune fille, par désespoir, s’était suicidée. Il avait été interrogé par nombre de personnes, dont des gens qui lui avaient vraiment fait peur. Ils lui firent énormément de reproches, car ils la voulaient pour eux. Et il s’était juré, si jamais un autre enfant comme elle venait ici, qu’il ferait tout pour réparer son erreur. J’aurais dû me rappeler de son avertissement. De me méfier des hommes en noir, qu’il m’avait dit. Si seulement je m’étais rappelé de sa mise en garde!
A ma sortie d’hosto, on déménagea. Mes parents voulaient que je refasse ma vie ailleurs, que je recommence tout à zéro, et que je n’aie plus tous ces ados qui me traitaient de cinglé dans les parages. On s’est installés en dehors de la ville, dans une petite commune du Brabant-Wallon. J’y vécu une adolescence normale, ne parlant à personne de mes dons, de mes capacités. Mais je continuais à exercer ce don, à le peaufiner discrètement. J’arrivais à insérer des idées dans l’esprit de mes camarades de classe. S’ils n’allaient pas dans mon sens, hop, une petite idée et c’était gagné. Et au plus le temps passait, au plus j’excellais. Et vers dix-huit ans, à force de patience et d’entraînement, j’ai pu carrément effacer un souvenir de la tête de ma copine. Elle s’était refusée à moi, j’avais été insistant. Beaucoup trop à son goût, si bien qu’elle ne voulait plus me parler. La fois suivante que je la croisai, elle ne se souvenait plus de rien.
Vous devez penser que je suis un gros salaud en lisant ça. C’est vrai que gosse, j’en ai profité pas mal, et rien ne m’était refusé. Je pouvais deviner les pensées, anticiper un peu tout et donc constamment tourner une conversation à mon avantage. J’avais presque toujours les meilleures notes de la classe, devinant les réponses rien qu’en farfouillant dans la tête du prof. Je laissais toujours une faute ou deux pour ne pas éveiller les soupçons, valait mieux être prudent! J’ai même eu mon premier boulot comme cela. Simplement en laissant l’idée dans la tête du recruteur que j’étais le plus qualifié. Augmenté chaque année, promu régulièrement. Je vivais une vie de rêve, la dessinant comme je la désirais.
Mais cette petite vie de rêve, insouciante, prit fin le 11 septembre 2001.
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