Réduction de la liberté d’expression. Enregistrement de l’activité des internautes par les Fournisseurs d’Accès Internet. Espionnage par les CPAS des bénéficiaires d’allocations sur les réseaux sociaux. Instauration de la Censure. Non, je ne suis pas en train de décrire la situation dans une dictature ouvertement déclarée, mais bien celle de la Belgique. De manière tout à fait insidieuse, on dépose petit à petit des lois restreignant nos libertés. Si nous les prenons une par une les effets sont limités, mais si elles sont couplées lors d’un jugement, cela pourrait avoir des effets dévastateurs sur le peuple belge.
J’en ai déjà touché quelques mots dans mon article « Souriez, vous êtes surveillés!« , et je voulais revenir sur le sujet, de manière un peu plus pragmatique que la petite fiction de ce premier billet. Mais ce premier article pourrait être une bonne introduction à celui-ci, donc je vous invite à le relire. Ce billet sera composé de 3 parties: la première concerne l’armada législatif en place en Belgique, de la censure ainsi que de la répression de la contestion. En second lieu, je parlerai des propositions et actions du parti flamand N-VA. Le troisième point sera consacré à l’Europe, dont la situation n’est pas plus glorieuse. Pour conclure, je parlerai d’actions que vous pouvez envisager.
De l’armada législatif en Belgique
Je vais parler de la première loi que je voudrais décrier, la nouvelle directive sur le « terrorisme »: ce changement d’article de loi, le 140bis du Code Pénal belge, dit tel quel:
Sans préjudice de l’application de l’article 140, toute personne qui diffuse ou met à la disposition du public de toute autre manière un message, avec l’intention d’inciter à la commission d’une des infractions visées à l’article 137, à l’exception de celle visée à l’article 137, § 3, 6°, sera punie de la réclusion de cinq ans à dix ans et d’une amende de cent euros à cinq mille euros, lorsqu’un tel comportement, qu’il préconise directement ou non la commission d’infractions terroristes, crée le risque qu’une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises.
Et si l’on regarde cet article 137, on voit que la définition du terrorisme reste relativement vague! Cela équivaut à dire que toute personne critiquant le système politique et économique, et réclamant un bouleversement dans un de ces deux systèmes, pourrait être interprétée comme terroriste. Il me semble qu’il n’y a pas encore eu de cas de jurisprudence en la matière, mais c’est à suivre de très près.
Ensuite, il y a la nouvelle loi des télécommunications, introduite au moniteur durant le mois de septembre. Cette loi, basée sur deux directives européennes, oblige les Fournisseurs d’Accès Internet, à enregistrer l’activité de leur clients, et de stocker ces informations durant une année. Donc tous les sites que vous visitez, les mails que vous envoyez, toutes ces données sont conservées. Votre vie privée, déjà bien mise à mal par les grandes compagnies d’internet, n’est plus (ou presque). Alors imaginez un tant soit peu que les FAI, suite à une prochaine loi, doivent prévenir les autorités lorsqu’ils constatent un comportement suspect. Déjà, rien qu’avec les deux premières lois on peut vous accuser de terrorisme avec un simple mail ou vous écrivez votre mécontentement, mais dans le cas de mon hypothèse, à peine le mail publié que vous pourriez voir la police débarquer chez vous! Nous nous engageons sur un terrain dangereux avec ces lois, non seulement pour la liberté d’expression, mais aussi pour la vie privée!
Pour clôturer le point sur l’armada législatif, je voudrais parler d’une actualité parue dans la presse la semaine dernière, et qui, si elle aboutit à une loi, sera une étape supplémentaire vers la « big brotherisation » (ça y est, j’ai inventé un nouveau terme!) de la société belge: En effet, le procureur général d’Anvers, Yves Liégeois, voudrait un enregistrement systématique de l’ADN des nouveaux-nés et des nouveaux arrivants sur le sol belge. Et cela, dans le but de faire avancer les enquêtes. Non seulement, je ne trouve pas cela totalement, efficace, si on trouve plusieurs traces d’ADN sur un lieu de crime, cela ne résoudra aucun problème, mais je trouve cette idée totalement contraire à la présomption d’innocence, violant donc de facto la convention européenne des droits de l’homme.
De la Répression de la contestation et de la Censure
Ce point n’est absolument pas nouveau. En effet, déjà en 2011, des arrestations arbitraires ont eu lieu. L’exemple le plus connu est celui des indignés, lors des fêtes du 21 juillet. (Mais entendons-nous bien: lorsque je dis connu, c’est parce que cela est relayé par des blogueurs belges, la presse mainstream n’en parlant bien sûr pas.) Venus juste montrer leur mécontentement sur l’absence de gouvernement en Belgique, et avec pour seuls bagages des nez de clowns et des t-shirts, ils se sont retrouvés au cachot pendant une longue période (vous pouvez lire un résumé de cette aventure sur le blog d’Anne Löwenthal).
Mais la censure et la répression passent de moins en moins inaperçues ces derniers temps: en effet, rien que pour ces dernières semaines, on a dénombré pléthore d’arrestations dans le cadre des manifestations de soutien aux afghans. D’ailleurs vous pouvez lire le témoignage de mon collègue pirate Kash à ce propos. Mais cela ne s’est pas arrêté aux manifestants: l’avocate qui les défend se fait également arrêter, un photo-reporter lui aussi sommé de collaborer, de supprimer ses clichés et de montrer certains de ceux-ci afin de pouvoir identifier des manifestants (désolé, je n’arrive pas à retrouver les liens à ce propos, si vous les retrouvez, contactez moi pour que je les insère!), certains journalistes se sont aussi fait arrêter. Lors de l’expulsion du Gézu également, la presse a aussi été malmenée par les forces de l’ordre. Et le plus ignoble dans cette dernière affaire: on emmène des enfants menottes aux poignets (vous pouvez lire mon avis sur cette affaire dans « Aujourd’hui, jai honte de mon pays ».
En ce qui concerne internet, la Belgique a également mis en place un Firewall, qui filtre le contenu d’internet (lien fourni un peu plus bas, lorsque je parle de la N-VA). Notre gouvernement en effet, demande aux Fournisseurs d’Accès Internet de couper l’accès à certains sites internet (un exemple le plus connu, est le blocage du site « The Pirate Bay »).
Des propositions et actions de la N-VA
Selon mon propre point de vue, c’est depuis que la N-VA a gagné plusieurs mayorats que nous pouvons enfin voir son vrai visage: un parti ultra autoritaire. Depuis l’accession de Bart de Wever au poste de bourgmestre à Anvers, de nombreuses restrictions ont été imposées aux habitants: ça a commencé de manière tout à fait anodine, avec l’interdiction de porter des t-shirts de couleur « gay » pour les employés communaux. Ensuite, malgré les directives nationales, la re-criminalisation de la détention de cannabis, mais fait encore plus grave qui a fait son apparition il y a quelques semaines: la mise sous surveillance des bénéficiaires d’allocations du CPAS sur les réseaux sociaux.
Mais ce n’est pas tout: la N-VA veut également étendre le grand « Firewall » de Belgique, et la raison évoquée serait le « phising ». Mais plutôt que de censurer, pourquoi ne pas plutôt éduquer les concitoyens en quoi consiste cette technique? Ne serait-ce pas une raison pour amener plus de censure dans notre pays? Vous pouvez aussi lire le point de vue du parti pirate sur le sujet: « Méfiez-vous du grand firewall de Belgique«
De la situation en Europe
La situation en Europe n’est pas plus glorieuse: en effet, suite à la crise, de nombreuses lois sont passées afin de « museler » et restreindre les citoyens. Par exemple, en Grèce, toute personne critiquant ouvertement l’Union Européenne peut être emprisonnée (information à vérifier, n’ayant aucunement été relayée par les médias « officiels » francophones). Les personnes ayant perdu leur foyer en Espagne risquent une amende de 750 euros si elles dorment à la rue,.. Mais fait beaucoup plus grave: à l’heure ou j’écris ces lignes, je suis retombé sur un article expliquant que le gouvernement espagnol a pénalisé la contestation. Mais cette dernière n’est-elle pas légitime justement? J’estime qu’un gouvernement, des parlementaires, ou tout autre élu sont justement mandatés par les électeurs. Ce sont donc ceux-ci qui sont les « patrons » des élus. C’est à eux qu’il faut rendre des comptes, et garder à l’oreille leurs demandes et leur (dés)approbation, plutôt que de réprimer leur mécontentement. N’est-ce pas cela la démocratie?
Mais il ne faut pas oublier un point déjà mentionné pour la Belgique. En effet, la loi belge sur les télécommunications est basée sur des directives européennes (2006/24/CE et 2002/58/CE, mais pour la protection de la vie privée il y a encore des choses qui vont changer, voir ma lettre à Louis Michel)! Donc, ce genre de lois se propagera à l’ensemble des pays de l’Union Européenne. D’ailleurs, la France prépare la surveillance totale de tous les réseaux. Il ne faut pas oublier non plus le projet « Indect » qui à mon sens, est bien plus dangereux que les programmes PRISM et XKEYSCORE de la NSA, dénoncés par Edward Snowden, et qui n’est ni plus ni moins l’incarnation du Big Brother d’Orwell. Ce ne sont que des exemples parmi tant d’autres, car on peut trouver dans la majeure partie de l’Union des types d’actions visant à restreindre la liberté des citoyens.
Des actions à mener
Pour tout ce qui concerne la surveillance via internet, je vous conseille déjà l’utilisation de VPN et du programme TOR (je reviendrai plus tard là-dessus, avec mon projet de protection de votre vie privée.) Vous pouvez aussi, pour tout ce qui est loi au niveau européen, contacter votre parlementaire. Il existe à ce propos un site très bien fait: respect my privacy et qui vous aide dans ces démarches. Lorsque j’ai commencé à préparer cet article, il y avait aussi des manifestations, comme par exemple pour l’abolition des Sanctions Administratives Communales (zut, une des lois dont j’ai oublié de parler). Mais renseignez-vous, les réseaux sociaux regorgent de groupements citoyens qui combattent ce genre de choses. Renseignez-vous sur les partis qui déposent ces lois liberticides, et ne leur apportez plus aucun crédit. Car s’ils passent ce type de législation, cela veut tout simplement dire qu’ils ne travaillent pas dans votre intérêt. Et une des actions les plus importantes à mener, est bien sûr : ne sombrez pas dans la peur et partagez ces informations à votre entourage! Car c’est en informant qu’on pourra mobiliser plus de monde!
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Crédit photo: Umberto Lopez, pour « censured » et ndtv pour le clash police-manifestant
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