Je me demande si ce challenge #SummerOfFail n’est pas entrain de se transformer en : « Greg se livre sur son blog! » Ce matin, en ressortant cette histoire de roman noir, j’ai repensé à ce texte que je projetais de faire depuis des mois. Mais la force et le courage me manquait. Cet après-midi, j’ai pris mon courage à deux mains. La rédaction ne fut pas facile, comme je m’y attendais, et pléthore d’émotions m’ont envahi. Ce soir, je vais parler de choses qui me sont extrêmement difficiles à exprimer, et je tiens juste à prévenir, que si vous êtes sensible, il ne sera peut être pas facile à lire. Mais je tenais depuis longtemps à coucher cela sur le papier, avec beaucoup plus de recul. Voici donc pourquoi je réponds que je me suis fait attaquer par un tigre.
«-Mais qu’as-tu donc à tes bras ? Qu’est-ce qui s’est passé pour que tu aies de telles marques ?
-Tu sais, il y a bien longtemps, lorsque j’étais un grand baroudeur-aventurier, je me suis fait attaquer par un tigre ! »
Cette réponse, à force d’être questionné par l’état de mes bras, est devenue machinale. Elle est automatique, et même sans y penser je la ressors, Comment expliquer, à un jeune enfant, que durant bien des années, j’ai ressenti une immense souffrance au fond de moi, une douleur si horrible, que, la seule échappatoire qui nous semble possible, est de se faire mal pour tenter d’oublier la première ? Que, par plusieurs fois, ce gouffre de douleur, l’absence de lueur au bout du tunnel, fait que la seule solution possible semble être de terminer son existence sur cette planète ?
Bien des années après, j’ai encore énormément de mal de parler de ces expériences. Ici aussi, j’ai du mal à coucher tous ces sentiments. Même face à des adultes, quelqu’un qui a tenté de mettre fin à ses jours se heurte à un mur d’incompréhension et de colère. Je me suis fait traiter de lâche, de faible, et j’en passe. Mais je ne les blâme pas. J’ai compris leur douleur et leur colère.
J’ai moi-même été confronté il y a quelques années à la perte d’une personne qui a partagé pendant quelques mois ma vie. Et j’ai moi aussi été confronté à cette douleur, à cette colère et ce sentiment d’impuissance. Je m’en suis même voulu, car étant moi-même dans une situation difficile, j’avais écrit une lettre aux personnes qui m’avaient soutenu par le passé, disant que j’allais tout faire pour me relever, et qu’avec cela, moi, je n’avais pas été là si elle en avait eu besoin. Mais je ne l’ai pas blâmée pour son geste. Parce que je sais qu’à un moment, ce désespoir peut être si profond que le monde autour de nous n’existe plus. Que même le meilleur ami le plus fidèle n’arrivera pas à soulager et porter un peu de cette douleur. Et cette expérience m’a fait énormément de mal, étant dans un période où mon moral était plus au bas, j’ai tenté, pour la dernière fois de commettre l’irréparable.
Cette dernière expérience, en 2009, m’a complètement changé. Je me suis réellement rendu compte de la douleur que j’avais causée. En rallumant mon téléphone, en sortant de l’hôpital, j’ai fondu en larmes. Ma messagerie était pleine, parfois même de personnes que je n’avais plus entendu depuis des années. Leurs messages, leur tristesse, m’ont complètement bouleversé. J’avais causé tellement de peine que ma douleur en était devenue dérisoire, je m’en voulais d’avoir infligé cette expérience à mes proches.
Je ne sais pas comment expliquer ces expériences à des jeunes enfants. Trouver les bons mots, et, tout en expliquant ce qui est arrivé, pouvoir les rassurer. Le suicide, et les tentatives de suicide, provoquent une douleur telle à son entourage, que rien que le fait d’en parler cause tristesse et colère. Mais je n’ai pas honte des marques sur mon bras, et je ne les cache pas. C’est une partie de moi, une partie de mon vécu. Et même si ce furent des moments pénibles, cela m’a aidé à me forger. J’ai rencontré des gens extraordinaires, j’ai pu partager une part de souffrance avec d’autres personnes ressentant des douleurs similaires. Je me suis rendu compte que l’être humain qui nous semble le plus froid peut dégager une intense chaleur humaine, qu’il possède cette chose magique en lui, qu’il peut montrer, contre toute attente, compassion et bonté. J’ai pu me rendre compte que la vie est un bien nettement plus précieux que ce que l’on pourrait penser, et cela m’a conforté dans une bonne partie de ma vision du monde : ce qui compte le plus, ce n’est pas la carrière, le salaire,… C’est le bonheur que nous partageons avec nos proches, nos amis et ce que nous réalisons pour rendre ce monde meilleur.
Est-ce qu’il m’arrive de repenser à mettre un terme à ma vie ? Je ne mentirai pas, la réponse est oui. C’est arrivé dernièrement, dans mes moments de découragement de ces derniers mois, même si ce ne sont que des pensées effleurées pendant quelques secondes. Car il suffit que je repense à toutes ces personnes qui, à un moment de ma vie, m’ont souri et tendu la main. Je repense à la douleur que j’ai causé à mes proches. Je repense à ma petite femme, et la promesse que je lui ai faite fin 2009. Rien que le fait de penser à son visage meurtri par la peine, à ce qu’elle a dû encaisser cette année- là, l’idée qu’elle puisse revivre la même chose m’est insupportable. Et il suffit que je me retourne pour chasser automatiquement ces pensées, car je le vois lui. Il me sourit et je me rappelle pourquoi jamais ne retenterai un acte pareil. Je veux le voir grandir et être à côté de lui. Je veux le voir faire ses découvertes et chérir ces petits moments de bonheur. Le voir s’ émerveiller sur la feuille qui vient de tomber de l’arbre. Ces petits moments sont si précieux, et font que notre vie est tellement riche. Ces petits bonheurs à ses côtés qui agrémentent notre quotidien, à Carol et moi, qui font qu’on voudrait qu’à un moment, le temps s’arrête pour profiter de ces petits rayons de soleil. Ces moments sont pour moi infiniment plus précieux que ce que l’on qualifie dans notre société de « réussite sociale ». C’est mon petit trésor et, pour rien au monde, je ne l’échangerai contre autre chose.
Je voudrais dédicacer ce texte à ma petite femme et mon fils, que j’aime plus que tout. Mais aussi à une personne, Olivia, qui a partagé une petite tranche de ma vie et qui est partie trop tôt.
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Image de Linda Tanner sous licence CC BY
S ‘ il te plait, ne recommence pas, lorsque j’ai vu ton appartement vide avec ta lettre, tes papiers… j’ ai cru que le monde s ‘ ecroulait, que je disparaissais dans un gouffre, que la vie s’ arrêtait à jamais. Ton fils a besoin de toi, il a besoin d ‘ un papa aimant qui le guide dans sa vie et sois son roc.
Ne t’inquiètes vraiment pas pour cela. Je ferai de mon mieux pour lui.
Quelque part, je suis heureux de savoir que je n’ai pas eu besoin de vivre le même genre d’expérience pour arriver à la même conclusion que toi. Mais je suis touché par ton histoire, et quelque peu inquiet aussi.
Inquiet? pourquoi? Je pense qu’il ne faut pas justement s’inquiéter. Ce furent des expériences difficiles, peut être, mais je pense que de toute façon, tout le monde rencontre une certaine difficulté à un moment de sa vie. Ou alors on reçoit tout sur un plateau doré. Ces personnes là je les plains, car à la première tuile, elles n’auront aucune arme pour y faire face. 😉
En lisant ton billet je me rends qu’au final on attend toujours le moment presque trop tard pour dire a nos proches qu’on tien à eux (ce passage là m’a touché « En rallumant mon téléphone, en sortant de l’hôpital, j’ai fondu en larmes. Ma messagerie était pleine, parfois même de personnes que je n’avais plus entendu depuis des années. Leurs messages, leur tristesse, m’ont complètement bouleversé. »)
J’en profite donc pour te dire que tu es vraiment quelqu’un de bien (il suffit de voir tes engagements pour un monde meilleur ou encore ton billet « Du questionnement de jeune papa » pour s’en rendre compte) et que j’espère qu’on se reverra encore un de ces 4 ^^ (au Fosdem, a une manif contre quelque chose détruisant notre planète et ses citoyens ou encore à une partie de jeu de rôle ^^ ou alors dans GW2 ou je dois encore prendre ma revanche en PVP 😉 )
Ben tu sais F., désolé, je préfère utiliser cela que ton « Gourou des Cariboux » ;), ma porte est toujours ouverte, et tu sais où j’habite. Faut pas avoir peur, la porte est toujours ouverte pour qui veut 😉 Pour GW2, faudra qu’on prenne RDV. J’ai vraiment du mal à retourner sur un jeu vidéo en ce moment. A chaque fois que je me connecte, le désir et la fureur d’écrire sont plus fortes, comme si je voulais rattraper toutes ces années ou j’ai mis mon rêve de côté. Mais je ne suis pas contre une petite partie de PvP, ça me fera bien rire de redanser sur ton cadavre :D. En tout cas, merci pour ton petit mot, il m’a bien touché!