Souvent, et généralement à raison, on entend dire que l’arrivée des internets, des réseaux sociaux, bien que ce soient des formidables outils de communication, réduisent les interactions sociales. Oui, c’est en partie vrai, et lorsque je me déplace je le constate par moi-même. Les ados d’aujourd’hui, tout en voyageant en groupe, en étant dans un café ou en mangeant un morceau, plutôt que d’interagir et de discuter entre eux, restent scotchés sur leur smartphone, à scruter Facebook ou je ne sais quelle autre plate-forme. Ils rentrent dans une espèce de prison dorée où leur environnement direct leur est complètement fermé. Et c’est vrai que si l’on regarde Facebook, on constate que ce réseau est un savant mélange entre exhibitionnisme et voyeurisme. Les facebookiens partageant des moments de leur vie, leurs « amis » scrutant leurs faits et gestes. Ces réseaux, ces outils, pourraient permettre des interactions nettement plus riches en émotions, de montrer son vrai soi, mais ils ne sont que le résultat de ce qu’en font leurs utilisateurs. Oui, lorsqu’on regarde la majeure partie des utilisateurs de Facebook et ce qu’ils partagent, ce n’est généralement que des choses superficielles. Des photos de vacances, de leurs enfants, montrer des petits moments agréables qui font que l’on a l’impression que leurs vies sont pleines de chouettes choses. Mais cela reste toujours à la surface : jamais on ne voit ce qui a réellement fait vibrer la personne, que ce soit en positif ou négatif, les émotions semblent être négligées. Et pourtant…
On m’a également fait souvent la remarque que, lorsque je jouais presque tous les soirs à des jeux en ligne, je n’avais pas de vie sociale. Ce qui me désole le plus, c’est que ce genre de personnes qui se permettent de faire de telles remarques, utilisent un outil bien plus machiavélique : la télévision. Tous les soirs, ces personnes se mettent devant la télé, regardent un film ou une série télé et sont absorbées par leur petit écran. Pendant cette « séance de lobotomie », ils n’interagissent pas non plus avec leur environnement, seul semble compter ce qui se passe dans cette boite animée. Et pendant qu’ils sont absorbés par leur télé, moi, je discutais avec d’autres, je racontais ma journée, ce qui s’était bien passé ou les galères, et on discutait de plein de sujets différents. Tout en tapant sur un monstre ou en cherchant un trésor dans un donjon, on parlait de nos vies, de nous, et de notre environnement. Alors oui, j’étais peut-être aussi derrière un écran, mais mes interactions étaient nettement plus riches que ces personnes incapables de lâcher leur « Desperate Housewives » ou n’importe quelle autre émission abrutico-divertissante.
Oui, internet m’a fait découvrir des gens extraordinaires. M’a permis d’avoir des relations bien plus vraies qu’avec certaines personnes que je croisais au quotidien, et je voudrais vous parler de deux expériences qui ont beaucoup changé ma vie, et l’outil qui en a été le vecteur n’est autre qu’internet.
Il y a bien longtemps, avec tout un groupe d’amis, nous avions fait un méga site internet communautaire, appelé l’atoll du web. Chacun y parlait de ses passions, dans mon cas, je m’occupais d’une partie de la section jeux de rôles ainsi que de la modération du forum. Très rapidement, le nombre de membres sur le forum ne s’est plus limité au groupe d’amis qui avaient lancé le projet. Des tas de personnes sont venues. Bien que le site et forum n’existent plus (et à chaque fois que j’y pense, je me dis qu’il faudrait le refaire), j’ai gardé des contacts avec certaines de ces personnes. Je pense à Nemgayl/Thengen, que je vois de temps à autre et avec qui j’aime énormément discuter. Mais j’y ai aussi rencontré une personne qui a changé ma vie. Au début, nous n’échangions que sur le forum, mais petit à petit, nous avons commencé à discuter sur Messenger. Nous avons discuté pendant une bonne année, partageant notre quotidien, nos émotions, et tant de choses. Nous avons passé des journées et des soirées entières à discuter. Et puis, en septembre 2004, cette personne est venue me rencontrer en Belgique. Cette personne, c’est ma compagne, et cela fait maintenant une dizaine d’années qu’elle partage ma vie. Nous n’avons pas été sur des meetics superficiels pour nous rencontrer. Nous avons pris notre temps, nous avons été nous-mêmes et les soirées et journées de discussion restent encore bien ancrées dans ma tête.
La deuxième expérience qui a m’a bouleversée dans ma vision d’internet date de 2009. C’était une période très difficile pour moi, au point où j’ai tenté de commettre l’irréparable. J’ai voulu faire mon geste tard dans la nuit, et j’avais écrit un mail pour dire au revoir. Comme il était tard, je m’étais dit qu’il ne serait vu que le lendemain. Mais comme je l’ai dit un peu plus haut, il y avait cette communauté internet avec qui je passais mes soirées à jouer. Et ils étaient encore debout. A trois, et tout en étant en France, ils ont tenté l’impossible, de chercher un moyen d’appeler les secours, tout en essayant de me contacter. Après plusieurs hésitations j’ai décroché mon téléphone, et c’est grâce au temps qu’ils ont pris pour me calmer et me rassurer que je peux écrire ces quelques lignes à l’heure actuelle. Grâce à ces personnes à des centaines de kilomètres, en ne les ayant rencontré que quelques fois loin du clavier, je suis là. L’internet a cassé la distance, a brisé les frontières pour sauver quelqu’un.
Et de plus, lorsque je vois les mouvements de solidarité qui peuvent en émerger, j’ai mon petit cœur qui se réchauffe. Des tas de personnes se mobilisent, que ce soit pour des petites choses telles qu’une famille qui a besoin d’un fauteuil, d’une personne qui organise un concert,… ou des mouvements de masse qui ont permis d’abandonner des projets de lois liberticides telles que ACTA. Prenez le temps de partager ces petites annonces, ces messages d’appels, même si vous ne connaissez pas la personne. Cela prendra même moins de temps que de téléverser votre dernière photo avec un verre de mojito en main. Vous pourrez aider d’autres, et montrer qu’une réelle solidarité, même derrière un clavier, est possible. Ce sont des petits gestes, mais ils aident petit à petit à changer le monde, à le rendre meilleur et plus beau.
Oui, internet n’est qu’un outil. Mais un outil que vous pouvez transformer et rendre extraordinaire. C’est ce que vous en ferez qui peut le rendre magique et fantastique. Le faire devenir un fabuleux outil de partage, et je ne parle pas qu’en terme de partage de fichiers, mais de vos bouts de vie, de ce qui vous fait réellement vibrer et vous rend authentique. Partager ces doux moments de la journée et vos joies et peines. Mais délaissez votre smartphone aussi, pour ne le consacrer qu’au partage de ces moments délicieux ou difficiles de votre vie. N’ayez pas peur de vous montrer sous votre vrai visage, de sortir tout ce que vous avez dans les tripes. C’est ce qui rendra internet l’outil le plus riche du monde.
PS: et pour ma part j’ai déjà commencé: je livre mes tripes et je veux partager ma fureur d’écrire.
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Image de James Cridland sous licence CC BY
