En tant qu’être humain, on a tous un besoin impérieux de protéger, de posséder tout ce que l’on peut. Il en est de même pour nos idées, nos créations. Pourtant, cette notion de propriété intellectuelle, est selon moi, totalement absurde.
Nous sommes tous inspirés par quelque chose, quoi que vous disiez. Nos idées ne tombent du ciel (notez que cela pourrait être sympa si cela arrivait). Elles nous viennent de nos observations, d’idées émises par d’autres personnes que l’on a affinées, et dans le cas d’un business, d’une application, d’un besoin qui n’est pas satisfait. Mais il y a toujours quelque chose qui nous a poussés à penser à cette idée, cette application. Et il y aura toujours quelqu’un pour peaufiner votre idée et la rendre encore meilleure.
Chaque création découle d’une autre
Oui, si vous écrivez une histoire, créez un film ou autre, vous vous êtes inspiré d’une autre idée, d’une autre histoire, voire simplement de votre quotidien. Il n’y a pas à regarder bien loin, les derniers grands « blockbusters » littéraires ne sont que des fan-fictions, des histoires dérivées d’une autre. Et ce genre est d’ailleurs très répandu, par exemple sur Wattpad. Je dois dire que je souris lorsque je tombe par hasard sur ce genre d’histoires : bien souvent, on peut lire, dans la description du récit, écrit en lettres capitales un « Tous droits réservés » (je vous épargne les fautes, car généralement il y a une ou deux fautes d’orthographe bien flagrantes dans l’affirmation). Pourtant, comme il ne s’agit pas d’une œuvre originale, puisqu’elle est dérivée d’un travail d’autrui, n’est-il pas inapproprié d’utiliser une telle mention ?
Un autre exemple typique d’appropriation d’une œuvre est le jeu de rôles (je ne parle pas bien sûr de jeux vidéo, mais bien du jeu de rôles originel, celui où on se retrouve avec ses copains autour d’une table avec des paquets de chips et pléthore de dés bizarres). L’auteur a défini un cadre de jeu, mais les joueurs se l’approprient, le modifient créent leurs propres histoires ou règles dans cet univers. Il me semble que Stéphane Gallay a bien expliqué cela (désolé Stéphane, je n’ai pas retrouvé où tu en as parlé, donc si tu retrouves le lien…). Les idées initiales ont donc été édulcorées, modifiées. Et si l’on partage son aide de jeu ou scénario, quelqu’un d’autre la reprendra, la modifiera à nouveau.
C’est pareil pour un photographe (on va encore me dire que je me lâche sur les photographes, tant pis, pourtant je respecte beaucoup leur travail). Si vous prenez une photo d’un paysage, de personnes, vous ne faites que prendre un instantané. Si vous n’êtes pas là, la personne, le paysage sera de toute façon en train de vivre sa vie. Vous n’êtes, en réalité, que le propriétaire du format de votre photo.
C’est donc à cela que se résume vos idées et créations : elles ne vous appartiennent pas. Tout ce qui vous appartient, c’est la façon dont vous les avez mises en forme, le support sur lequel vous les avez posées.
Mettre un cadenas, c’est empêcher la propagation des idées
Nous avons, pour la plupart d’entre nous, tendance à mettre des verrous sur nos idées. Que ce soit par des brevets, des droits d’auteurs,… nous empêchons de les laisser faire leur propre vie. On réclame une paternité sur une idée qu’un autre a améliorée. On réclame la suppression de l’œuvre, une compensation, ou toute autre chose. Par ces faits, nous mettons des freins à l’innovation, à l’élargissement de l’offre culturelle. Pourtant, c’est comme cela que l’Humanité a évolué : en confrontant et en améliorant des idées et créations émises précédemment. Soyez cette petite pierre à l’édifice, libérez vos idées, faites-les vivre. Car c’est en agissant de cette manière que nous continuerons à nous enrichir.
PS : je parle bien sûr d’enrichissement intellectuel, qui pour moi est la seule richesse digne de ce nom. Je vous invite aussi à lire ce très bon billet de Ploum : votre idée ne vaut rien.
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Image de Chris Potter (stockmonkeys.com) sous licence CC BY
Je reste sceptique quant à privilégier la licence CC0 à la licence CC-BY. Que dirais-tu si quelqu’un s’attribuait tes écrits ? Je pense à la récente mésaventure de Pouhiou avec Amazon : on aurait très bien pu coller un autre nom d’auteur sur ses romans (sauf que c’est interdit par le droit d’auteur français, mais théoriquement, la licence CC0 implique que l’auteur ne s’y oppose pas).
Hello,
Je pense que je réagirai exactement comme l’a fait Pouhiou. Je pense que ce qui est important, c’est d’être fidèle à ses propres valeurs. Comme je le dis dans un de mes livres, ce que j’ai de mieux à offrir à l’humanité, ce sont mes écrits. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai mis mes écrits sous CC0. Puis globalement, il faut savoir qu’une licence CC ne peut aller au-dessus de la loi. Quelqu’un qui s’approprie les écrits d’un autre est donc « hors-la-loi ». Bien que je ne pense pas faire un procès à quiconque, je pense faire du troll gentillet en montrant par exemple, que le texte original est par là et qu’il est possible donc de le télécharger en donnant ce qu’on veut, voire rien. Du moment que je reste fidèle à moi-même, je n’aurai rien qui pèse sur ma conscience, ce qui ne sera pas le cas du « spoliateur ». Je t’invite à lire, si ce n’est pas déjà fait: « Parce qu’il n’y a rien de plus beau que le don et le partage », qui est le sens de ma démarche: https://www.antredugreg.be/parce-quil-ny-a-rien-de-plus-beau-que-le-don-et-le-partage/ . J’en parle ici également, avec d’autres mots: http://www.wattpad.com/143136347-salut-moi-c%27est-greg-et-maintenant-2
« Quelqu’un qui s’approprie les écrits d’un autre est donc hors-la-loi » dans nos pays européens, mais pas dans tous les pays. Mais je viens de changer de perception concernant la CC0. Avant, pour moi, CC0 = faites-en ce que vous voulez, et attribuez-vous mes oeuvres. Maintenant pour moi, CC0 = faites-en ce que vous voulez.
Par ailleurs, il me semble que la mention de la licence est obligatoire lorsque l’oeuvre est diffusée. Voilà de quoi mettre la puce à l’oreille des potentielles « victimes » des « spoliateurs ».
Merci pour la citation; je pense qu’un de mes billets auquel tu fais référence est peut-être Mashups rôlistes.
Peut-être faut-il souligne la relation entre profit et droit ? Le fait de « cadenasser » – pour reprendre ton expression – son oeuvre est une manière sans doute inconsciente d’espérer tirer profit de celle-ci. Dans ce cas, de toute façon, il y aura toujours une poignée d’individus qui contourneront le système pour éviter de passer par la case « argent ». Et c’est là que l’idée de prix libre prend toute son importance : la poignée d’individus non-conformistes saisira l’oeuvre sans aucune forme de contrepartie, les autres opteront pour une forme de mécénat 🙂
Il y a aussi la notion de « peur » (voire d' »angoisse ») qui est à prendre en compte. Peur d’être volé, peur de ne pas être cité, peur de ne pas être le centre de toutes les attentions alors qu’investigateur de la chose. Nombrilisme oblige.
A cette peur, peut s’ajouter – pour les plus ouverts d’esprits – une « fierté ». Fier d’avoir été l’un des maillons d’une grande chaîne.
Hello,
La peur du vol d’idées est très bien expliquée par Lionel dans son billet, c’est la raison pour laquelle je n’en ai parlé. Mais tu soulignes bien le nombrillisme. Je pense que lorsqu’on donne, ce genre de sentiment doit être mis de côté. Je dois dire que si mes idées sont comprises et adoptées par une seule personne, j’ai déjà gagné. Pas besoin d’être célèbre pour cela.
Bonjour Greg,
Pour le coup ton article me fait réagir fortement, et je crains de ne pas être du tout d’accord avec toi, bien que cela mette en valeur mes propres contradictions.
D’abord, mais c’est une courte parenthèse, tu as une vision très déformée ou simplifiée du travail d’un photographe. Si certains se contentent de déclencher quand tous les paramètres de l’image leur conviennent (que ce soit du paysage ou de la photo de guerre), d’autres construisent soigneusement leur image en y ajoutant un par un tous les ingrédient qui vont la constituer, en les ordonnant d’une certaine façon, et en passant parfois des heures à régler la lumière. Donc, on peut vraiment parler de création, au même titre qu’un morceau de musique ou un poème. Ensuite, en photographie, tout est question de regard. Et c’est ce regard qui fera que, si dix photographes font la même ballade, tu n’auras pas une seule photo semblable. Parenthèse finie pour la photo, bien que plus longue que je ne l’avais estimée.
J’aimerais établir deux éléments de réflexion qui sont constitutifs des mes contradictions. En gros il y a le monde idéal, et il y a le monde où l’on vit.
Dans le monde où l’on vit, tout travail mérite salaire. Or nous avons tous besoin d’argent pour vivre, bien que dans l’expression précédente le terme salaire puisse désigner autre chose qu’une somme d’argent.
Je suis indéniablement quelqu’un de généreux, mais je ne suis pas prêt à faire cadeau à l’humanité, et particulièrement à des gens qui pourraient en tirer profit, d’un travail de plusieurs années, comme le roman que je suis en train d’écrire avec peine et application.
Bien sûr ton titre est provocateur, mais il se base aussi sur une confusion entre idée et création. Une création résulte d’un travail, d’un effort conscient, bien souvent opiniâtre, enrichi par des années de maturation, de découverte du monde et des autres, de tout ce qui fait qu’un artiste (ou un individu lambda) est unique, a un regard unique, a une inspiration unique… C’est cette unicité, propre à la personnalité de chacun (du moins d’un certain nombre de créateurs) et ce travail opiniâtre, perfectionniste, méticuleux, qui justifie que la création nous appartient, qu’elle ne découle pas véritablement d’une autre, car elle intègre en réalité tant et tant de facteurs différents qu’elle ne découle pas d’une autre création mais d’un univers entier, celui du créateur. C’est en ce sens que je suis attaché à la propriété intellectuelle, tout comme je suis attaché à ma personnalité, car au fond, mes créations sont une expression de ma personnalité.
En suite, il y a la question des revenus, de la générosité, du partage, et de la liberté (au sens de culture libre). Toujours en raisonnant dans le monde où l’on vit, j’estime que l’on peut choisir de donner certaines créations à la collectivité, avec plus ou moins de liberté pour les utilisateurs (en d’autres mots jongler avec les différents types de licence Creative Commons, y compris la CC0) mais vouloir garder certaines de ses créations pour soi, dans un but d’en tirer éventuellement profit soi-même.
Je sais que cela peut paraitre contradictoire, voire timoré, mais je pense au contraire que c’est une façon saine et équilibrée d’aborder le sujet. Et je suis en parfaite conformité avec mes propres valeurs en pensant cela.
Pour en revenir à la mésaventure de Pouhiou, je n’aurais surement pas réagi aussi sagement que lui. Mais je dois peut-être précisé que je me suis déjà fait piquer des projets par naïveté.
Pour résumer, je crois que dans un monde idéal où l’argent n’existerait pas, ni le sentiment de propriété, je serais un ardent défenseur de la Culture Libre (ce qui n’aurait aucun sens puisque la notion de propriété y compris intellectuelle, n’aurait pas cours). Mais on est encore loin de ce monde là, bien qu’on travaille tous à le rendre plus probable, plus proche. En attendant, je ne pense pas que le fait de donner tout son travail à la communauté soit une bonne idée. On peut en donner des pièces, contribuer, partager, échanger, et garder pour soi (à but éventuellement de publication et droits d’auteur) des éléments que l’on considère plus importants.
Mais cela n’empêche pas, à mon humble avis — même si nous décidons éventuellement de publier nos oeuvres en CC0 —, que nous en sommes intellectuellement et artistiquement propriétaire. Car, personne d’autre n’aurait pu produire la même oeuvre.
Je te souhaite une excellente journée, et te remercie pour ton blog, toujours riche en réflexions passionnantes.
Amicalement
Claude
Tu connais mon point de vue: « sois le changement que tu veux voir dans le monde ». Alors, si c’est pour mettre des cadenas d’un côté et libérer une partie, je pense que ce « changement » n’est pas atteint. Je pense que ce qui te bloque, reste une peur de spoliation, ou un manque de reconnaissance. Je peux très bien comprendre cela, je souffre moi-même d’un manque de reconnaissance. Bien sûr, je n’ai pas la science infuse, et je t’invite à lire et écouter certaines personnes: pouhiou déjà (qui sera en Ariège ces prochains jours), Gwen Seemel (une artiste peintre que j’ai découvert ce lundi (déjà rien que cette vidéo: http://www.gwennseemel.com/index.php/blog/comments/public_domain_living_vivants/) . (et sinon oui, pour les histoires de « profit », on peut en revenir à une discussion qu’on a déjà eue: intégrer le RDB.)
Il n’y a pas de confusion entre création et idée. Toute création se base au départ sur une ou des idées.
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